La peau de tout

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L’œuvre de Maria Laet tourne le dos à la frénésie de la contemporanéité. Devant ses images souvent imprégnées du rythme et de la sagesse de la nature s’éprouve le hors temps d’un espace premier. Ce n’est pas un hasard si, dans la série de photos Milk on pavement (2008), l’une des rares œuvres impliquant un élément urbain, le lait déposé sur les craquelures du ciment d’un trottoir rassemble à un fleuve vu du ciel. Dans un monde à la fois sur-connecté et virtuel, l’artiste cherche à susciter un contact physique, tangible, et à laisser visible l’empreinte de l’existence humaine. Pour connecter l’intérieur avec l’extérieur, elle crée une poétique de la peau, faite de respiration, de regard, de souffle et de toucher. « J’ai l’impression que plus la peau est fine, plus elle est sensible », explique-t-elle au sujet d’Avec la peau fine, le titre de l’exposition.

Low-tech par principe, l’œuvre de Marie Laet, souvent en noir et blanc et dotée de cadres fixes, privilégie ses propres actions, même quand elle se contente de contempler la nature. Dans la photo Continuo (III) (2015), elle s’identifie avec une branche qui pousse au milieu d’un lac et dont la présence s’allonge à travers son reflet sur l’eau. L’économie de moyens techniques donne à certaines de ses œuvres l’allure de haïkus tropicaux. Il en est ainsi de Long Way (Paraty) (2013), cette vidéo dans laquelle on observe le ballet des sables volcaniques et marins qui s’entremêlent au fur et à mesure que les vagues se brisent sur le bord de la plage. Ce besoin de dialoguer avec la nature s’affirme encore davantage lorsque l’artiste se maintient en équilibre avec une pierre sur un trébuchet d’enfant (Seesaw, 2013). Elle admire pendant quelques minutes l’impressionnante présence minérale, avant d’être éjectée de la balançoire par la fragilité de la condition humaine. Ou par le poids de cette pierre façonnée par l’éternité du temps géologique.

Dans une autre partie de son travail, Maria Laet réalise une série d’interventions poétiques qui connectent le corps humain et sa subjectivité avec le monde. Dans Terra, l’une de ses séries les plus connues, l’artiste réalise des coutures sur différents sols. A Canudos et au Parque Lage, celles-ci suivent le dessin sinueux des racines des arbres. Les actions (et surtout leur rendu final) ne sont jamais parfaitement maîtrisées – l’encre de l’ensemble de dessins Diálogos. Sopro (2008) a pénétré les feuilles japonaises en suivant l’alternance des souffles de deux personnes. La subtilité des gestes et le rythme de la démarche de Marie Laet, consciente de la vulnérabilité de sa condition, semblent imiter le modus operandi savant de la nature. L’artiste n’impose pas sa présence : l’œuvre suit son propre flux comme l’encre de chine qui envahit la pile de papiers lacérée de Sobre o que não se contém (2013).

« A pele de tudo », dit l’un de ses vers préférés de Arnaldo Antunes. En désignant des membranes qui connectent le dedans et le dehors dans chacune de ses œuvres, Marie Laet affirme sa présence délicate et décomplexée dans une œuvre construite comme une archéologique de l’intangible.